• Le bracelet - 3

    Solange avait un mignon bout d'chou de trois ans, Thierry. Elle ne l'emmenait pas souvent, il avait lui aussi une nounou, de l'âge de 12 ans.
    Elle vint avec lui plus souvent lorsqu'elle fut en sainte* d'un deuxième petit garçon qui se prénommera Laurent. Car arriva le moment où il fallut bien qu'elle prenne des congés maternité.
    Solange continua à venir me voir, Thierry sur son dos et Laurent dans son ventre. Nous profitâmes de ses vacances pour écumer tous les quartiers intéressants de Niamey. Elle me fit découvrir le centre artisanal de Wadata où étaient fabriqués les objets les plus représentatifs de l'artisanat nigérien. De pures merveilles de maroquinerie et de bijouterie.
    Mon marché préféré était le marché de Katako Boukoki. Tout ce qui habituellement ailleurs se jette était récupéré et recyclé. Les gros tonneaux d'huile étaient transformés en cantines très joliment peintes. Les chambres à air devenaient des seaux pour puiser l'eau au fond des puits, les chaussures étaient en pneu, les lampes à pétrole en boîtes de conserve. Tous les ustensiles de cuisine (casseroles, poêles, marmites, louches, écumoires) étaient créés à partir de moteurs de camion. De grands clous à la pointe aplatie faisaient efficacement office de tournevis, l'autre bout étant replié pour une prise en main confortable. Les marteaux étaient faits avec d'énormes boulons de camion.
    Je ne me lassais pas de ce dépotoir. Car c'était également une immense décharge de ferrailles en tout genre, évidemment.
    Il y avait aussi un étal de sorcier où s'amoncelaient diverses plantes, racines, cauris, poils d'éléphants, crapauds séchés, cornes d'antilopes, bocaux remplis de capsules de bouteilles. Je me souviens d'un bec de toucan que le vendeur râpait, ceci afin de prélever une poudre au pouvoir aphrodisiaque ? Ou maléfique ?
     
    Solange n'aimait pas que je me rende à Boukoki non accompagnée. Elle disait que c'était dangereux pour une femme seule. Blanche qui plus est.
         - Même avec un enfant ?
    Je ne sais pas pourquoi, je me sentais invulnérable, avec Kin sur ma hanche.
    Peut-être parce que je me sentais prête à le défendre comme une lionne.
    Peut-être parce qu'il attirait souvent la sympathie des personnes que je croisais. Rien de mal ne pouvait m'arriver s'il était avec moi. Sourires de mères, moqueries affectueuses de pères, saluts enjoués de gamins...
    Anassara chinois**...
         - Il faut rentrer avant la nuit, insistait Solange.
    Ce n'était pas la première fois qu'elle s'inquiétait pour ma sécurité.
    Au tout début de son arrivée, c'est-à-dire peu de temps après la mienne, nous n'avions pas encore embauché de gardien. Chaque maison alentour avait son vigile, logé dans une case à l'intérieur de la propriété.
    Mon compagnon devait partir au Burkina Faso pour des raisons professionnelles.
    J'allais devoir rester seule avec Kin pendant une semaine. Je n'avais aucune crainte de cela mais elle finit par me ficher la trouille.
         - Il faut bien t'enfermer à clef la nuit, madame (Elle m'appelait madame, c'était le premier jour). Attends, je reviens.
    Elle est partie, c'était l'heure pour elle de partir. Mais elle est revenue avec un sifflet, m'a donné l'ordre de le garder sous l'oreiller. Et d'en user si j'entendais le moindre bruit suspect, afin d'alerter tous les gardiens du voisinage.
    Je n'ai pas pu fermer l'oeil de toutes les nuits de cette semaine-là.
    Terrorisée au moindre craquement de feuille morte sous un pas de chat.
     
     
     
     
    * En Afrique, lorsqu'une femme est enceinte, on dit qu'elle a gagné la sainte
    ** Anassara chinois : Anassara veut dire Le blanc
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