• Le chemin bleu

    Elle vient de temps en temps passer le week-end dans sa maison en bas du hameau.
    Il court à sa rencontre lorsqu'il la voit descendre le chemin.
    Le chemin bleu par lequel on vient.
    Il ne lui donne pas le temps d'arriver chez elle.
    Elle a toujours un livre à lui offrir, qu'elle sort de son bagage.
    Ils s'assoient par terre tous les deux, lui calé contre son ventre. Elle lui lit l'histoire à même le sol, au beau milieu du chemin.
    Elmer l'éléphant, c'était avant-hier.
    Elle lui a dit :
      - J'ai apporté de la confiture de framboises. Tu veux venir prendre le petit-déjeuner chez moi demain ? Je t'invite. Quand tu te réveilles, tu viens. On fera des tartines de pain grillé, j'ai du chocolat, j'ai du jus d'orange aussi.
     

    Alors quand il s'est réveillé, il est tout de suite allé à la maison d'Arlette. En pyjama avec ses pantoufles à carreaux rouges et bleus pointure 27.
      - Je ne me suis pas habillé parce que c'est le petit-déjeuner.
    C'était hier.

     

    Je suis en train de désherber en contre-bas de la maison d'Arlette.
    Il est assis là, sur une marche, adossé au bois de la porte fermée.
    Je l'entends parler comme un enfant qui joue. Il change de voix, j'ai l'impression d'entendre trois gosses. Mais il est tout seul.
    Un lundi de septembre encore très bleu. La lumière est cuisante au fur et à mesure que l'heure avance. L'ombre douce d'un nuage glisse de temps à autre sur le dallage de pierres de la terrasse. Un air plus frais coulisse alors.
    Puis le silence.
    Il ne bouge pas, ne parle plus.
    Ce silence m'alerte, je le hèle :
      - Qu'est-ce que tu fais ?
      - J'attends Arlette.
    Petit bonhomme contre une porte fermée. Assis sur la marche, il attend. Il attend au soleil mordant. Il attend plein sud. Qu'elle descende le chemin bleu par lequel on vient.
    Sur la façade en pierres, les volets aussi sont clos.
      - Mais elle est partie, Arlette. Elle ne reviendra pas aujourd'hui...
    Il se redresse, chancelle un peu sur son debout. Sa voix qui se fendille.
      - Elle ne m'a pas dit au revoir...


    Plus tard il lui dira : Je t'ai attendue longtemps et toi, tu ne venais pas.

     

    C'était il y a loin.
    C'est un souvenir qui me vient de temps en temps.
    Il remonte, comme le chemin bleu par lequel on s'en va.

     

    10 juillet 2013

    « Chi-Tam ma langue maternelleVagabonnage »
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  • Commentaires

    1
    helene Py
    Samedi 27 Septembre 2014 à 16:04

    Je crois bien t'avoir dit quelque part que ce texte me remuait en profondeur; mais, suis-je bête ! Tous tes mots me remuent.

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