• Isthar - 5

    La voix de son maître

    Il ne comprenait pas ce que j'attendais de lui mais une chose était sûre, il comprenait manifestement à quel moment j'allais bouger. Je n'avais pas encore commencé à parler qu'il se dressait sur ses quatre pattes. Il anticipait. Un mystérieux sixième sens.
    Passe derrière fut le premier ordre qu'il comprît. C'était déjà une bonne chose. Pour le reste, il me faudra attendre encore un peu.
    Il était vraiment d'une compagnie agréable. Affectueux et gai. Je lui appris machinalement à donner la patte. Ça ne servait à rien mais il la donnait toujours volontiers de lui-même alors autant en profiter.
    Un matin que le troupeau paissait calmement sans déborder des limites, ciel serein, silence d'oiseaux, Isthar était couché sur le dos, le ventre offert à la caresse du soleil. A quatre mois, il avait perdu sa laine de peluche. Il avait un beau poil long, la frange sur les yeux un peu plus grise.
    Je m'apprêtai à lui dire : c'est quand que tu vas commencer à m'aider vraiment ?
    Il se dressa d'un bond, frémissant, prêt à courir. Il avait réagi encore une fois avant que je ne parle !
    J'eus une révélation : je réalisai qu'avant de dire quoi que ce soit, si j'étais restée un moment silencieuse, je m'éclaircissais la gorge. Et c'est ce ahem qui le mettait en alerte.
    Il me regardait, regardait les chèvres, me regardait à nouveau. Il attendait l'ordre.
    Et s'il avait eu le déclic ? Je tentai le coup. Je lui dis n'importe quoi sans trop y croire.
    Je lui dis : Rentre-les.
    Et sous mes yeux ébahis, il les rentra. Il rassembla les chèvres éparpillées et les poussa jusque dans la bergerie, en faisant bien attention à ce qu'aucune ne lui échappe à la frontière critique du jardin.
    Je ne me tenais plus de joie. Un peu confuse, parce que c'était vraiment idiot, ce n'était pas l'heure de rentrer les chèvres...
    Je les ressortis scusez-nous, les filles et les menai un peu plus haut sous les chênes. Je ne tarissais pas de compliments et de caresses pour Isthar mon étoile.
    Je vis Louis au loin, debout sur la terrasse de sa maison. Nous échangeâmes un geste de la main en guise de salut. C'est le moment que choisit le troupeau, Cartouche en tête, pour redescendre vers le jardin. Passe devant ! Je commençais à courir et m'arrêtai, folle de joie. Isthar m'avait devancée.
    Il courait plus vite que moi et stoppa les chèvres in ex tremis avant qu'elles n'atteignent le champ de poireaux. Il les ramena vers moi en zigzaguant derrière.
    La garde, à partir de ce moment-là, devint un réel plaisir.
    Isthar avait assimilé où étaient toutes les limites et de lui-même maintenait les chèvres dans le large périmètre qui leur était assigné.
    J'ai dit non à Louis.
    Avec une immense fierté, je lui ai dit non lorsqu'il est venu me demander si je ne voulais pas lui vendre mon chien.

    Fin
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  • Commentaires

    1
    Cachou
    Vendredi 19 Février 2016 à 02:11

    Ça m'a fait plaisir de retrouver Ishtar, comme on retrouve un vieil ami oublié.

    Mais tu as eu combien de vies, en fait ?!!! ...

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